jeudi 12 juin 2014

Au jardin

A l’entrée du café, sur une chaise bancale, c’était un homme d’une soixantaine d’années qui regardait les pavés, les gens sur les pavés, les gens qui passaient et repaissaient dans le chas de l’aiguille existentielle le fil étriqué de leurs vies.
L’homme avait les cheveux blancs, le teint hâlé, une barbe de quelques jours et un léger strabisme. Il portait des lunettes : une paire sur le nez, une paire pendant au cou et, sur la table sale du café, des lunettes de soleil coincées dans un livre ouvert – de la poésie.
Il semblait désireux de converser avec quelqu’un, l’un des clients en terrasse, ou peut-être une jeune fille passant jupon volant sur le trottoir. Quelque chose de la joie de l’été descendait sur son visage, l’animait d’un sourire et restait un moment, entre la fossette du menton, les pommettes hautes et l’angle de la mâchoire. Ca traînait, ça repartait, ça revenait.
Autour, une confusion futile de marmots braillant, de poussettes, de glaces et de couples en shorts et tongs. Un peu de la poussière du Jardin des Plantes, tout près, s’échappait du parc pour coller aux orteils.
Je ne pus que sourire. A son sourire je ne sus que sourire. A quoi bon la méfiance et l’aigreur parisiennes sous le doux soleil de juin ? Chaleur estivale, naissante encore, en bourgeon : c’est une invitation aux mots.
Mots oraux.
Dialogue.