Traces de ton passage dans mon
corps ; signes de toi traversant mon monde. Des débris de moi, partout, un
entrelacs de fragments épars retenus au rets de ton absence. Mes blessures
délaissées, flottant entre deux eaux – mes pleurs mes haines ta sueur sur mon
ventre.
J’ai capitulé, tout lâché pour me
dissoudre sans prendre le temps – en évitant soigneusement de prendre le temps
– de me demander pourquoi tu m’avais laissé pour tout cadeau d’adieu ce goût de
mort, cette envie d’effacement, cette poussée intime vers ton ancre, cette
plongée secrète vers la douleur. J’ai entrepris mon immersion glaçante, lourde
de mes rages, brûlée de mes feux noirs, gris et pourpres, mes froids
désespoirs ; je suis tombée amoureuse des profondeurs.
Pas – plus – besoin de savoir
pourquoi ton corps, ton odeur, ton poids sur ma peau, ta douce présence
blessante m’ont empreinte de cette fascination morbide que je connais, je l’ai
vu éclore dans tes yeux, dans tes cernes et tes lèvres tristes.
Tu m’as légué le besoin de couler,
l’amour suicidaire des abîmes.
Je m’y suis jetée, écorchée,
disloquée en éclaboussures de toi.
Traces de ton passage dans mon
monde, innombrables stigmates sur mon être. Je sens ta marque en chaque éclat
de mon miroir brisé, qui tire, qui troue, qui pèse et m’indique le fond.
Dans ma chute quasi aquatique, je
croise des images, des souvenirs en nids, j’en arrache des brindilles, je
m’acharne sur ces filaments de mémoire où dorment mes plus grandes tristesses. Ils
sont à moi, mais comme gommés, grimés par ma détresse ;
uniformément douloureux, ils me percent d’une nostalgie poignante, me nimbent
de leur aura mélancolique, m’enivrent, me nourrissent.
Je brasse ces malheurs passés,
ravive de vieilles blessures oubliées pour bercer calmement ma défaite, aimer
ma noire descente, me jouer juste encore un peu des profondeurs en courant plus
vite vers mon gouffre d’angoisse, que j’ai trop attendu.
Et que j’atteins.
Je m’éteins.