samedi 20 février 2010

Anwyhere out of the world

Il ne vient plus personne dans le vieux salon. Et même si la porte, quelquefois, par curiosité s'entrouvre, si les rideaux ne sont pas entièrement tirés, personne ne relève jamais l'invitation à pénétrer dans ce lieu d'antan. Des couvertures tachées de vin, jetées dans un coin, rappellent d'anciens festins bavards, près de la cheminée, sous le clair de lune. Les fenêtres résonnent encore, lorsque le vent chuchote près des carreaux, de notes criardes, fantômes de chants paillards tirés de gosiers trop désaltérés.
Mais il y eut des dames, dans ce salon. Des crinolines et des volants de couleurs vives, des éventails oubliés sur les tables basses, la saveur d'un thé âcre qui reste en bouche... Les dossiers qui s'affaissent désormais gardent l'imperceptible trace d'un dos droit et fragile, à peine appuyé sur la tapisserie du fauteuil, prolongé par un cou gracieux. Des moutons de poussière cachent dans leur duvet de vieilles épingles à cheveux, rouillées, tombées de hauts chignons.
Il plane dans cette chambre le parfum suffocant des vieilleries, leur nauséeuse présence ; avec, malgré tout, de subits accès de fraîcheur qui vous serrent la poitrine au passage des courants d'air. Le balancement du soulier, hésitant, sur les lattes, déclenche des grincements mauvais, comme des rhumatismes, qui figent le talon là où il s'est posé. C'est à nouveau le silence en murmures qui noie tout le décor.
Le tendre chuchotis des fantômes fredonnant.