lundi 31 mars 2008

Comment le ciel est devenu grand


(conte apache)

C
'était il y a longtemps, lorsque le ciel était trop bas. Il était si bas qu'il n'y avait pas de place pour les nuages. Il était si bas que les arbres ne pouvaient pas pousser. Il était si bas que les oiseaux ne pouvaient pas voler. S'ils essayaient, ils se cognaient aux arbres et aux nuages.

Mais ce qui était plus pénible encore, c'était que les hommes adultes ne pouvaient pas se tenir debout, bien droits comme leurs corps le leur demandaient. Ils devaient marcher tout penchés, en regardant leurs pieds et ne voyaient pas où ils allaient.

Les enfants ne connaissaient pas ce problème. Ils étaient petits, ils pouvaient se lever aussi droits qu'ils le souhaitaient. Ils ne marchaient pas en regardant leurs pieds et pouvaient voir où ils allaient.

Ils savaient par contre qu'un jour, ils deviendraient des adultes et qu'ils devraient marcher tout penchés en regardant leurs pieds à moins que quelque chose ne se passe. Un soir, tous les enfants se réunissent et décident de relever le ciel. Les quelques adultes qui les écoutent rient sous cape mais soudain, ils voient les enfants lever de longs poteaux vers le ciel. Un, deux, trois, quatre... Un cri énorme retentit UUU-UHHHH ! Mais rien ne se passe.

Le ciel reste comme il a toujours été. Les arbres ne peuvent toujours pas grandir. Les oiseaux ne peuvent toujours pas voler. Il n'y a toujours pas de place pour les nuages et lesadultes marchent toujours courbés en regardant leurs piedssans voir où ils vont.

Le lendemain, les enfants recommencent avec des poteaux plus longs. Un, deux, trois, quatre... Un cri énorme retentit UUU-UHHHH ! Mais rien ne se passe.

Le soir suivant, les enfants (qui sont persévérants) essayent encore. Ils prennent des poteaux encore plus longs. Un, deux, trois, quatre...Un cri énorme retentit UUU-UHHHH ! Mais rien ne se passe.

Le quatrième soir, ils ont trouvé de très, très, très longs poteaux, les plus longs qu'ils pouvaient trouver et ils se sont mis à compter. Un, deux, trois, quatre...Un cri énorme a retentit UUU-UHHHH ! Et le ciel s'est soulevé. Depuis ce jour, le ciel est à sa place.

Les arbres peuvent pousser, les oiseaux peuvent voler sans se heurter aux troncs et aux branches. Les nuages ont de la place pour aller et venir et les hommes peuvent se tenir droit en regardant le ciel. Mais le plus merveilleux c'est que lorsque le soleil s'est couché la nuit suivante et qu'il a commencé à faire sombre, le ciel troué par les poteaux des enfants s'est mis à scintiller. Dans chaque trou, il y avait une étoile.

La prochaine fois que vous regarderez le ciel, vous saurez que c'est grâce aux enfants que vous pouvez admirer un tel spectacle. Vous repenserez à cette histoire et vous saurez que c'était vrai.

vendredi 28 mars 2008

E minor, Op. 72, n°1


Chopin.
Des notes glissent et redessinent la silhouette du monde, comme on lave à grande eau des carreaux gris de crasse. D'ailleurs le ciel délavé, dehors, prend sa douche. Majestueux. A peine manque-t-il de cette profondeur qu'ont les cieux de perspective, ceux où les nuages blancs, tremblotants, se mêlent aux rayons chauds, à l'indigo spacieux, pour former une voûte splendide. Car derrière la couche épaisse de peinture morne, il vibre d'une lueur retenue, prête à flamber. Le doigt de Dieu tend et détend perpétuellement cette corde unique d'où s'échappent des échos de soleil, des éclats pressentis. Comme une promesse.

Ce ciel-là, c'est à Chopin qu'il ressemble.
Il est mélancolique, il passe impassible, il déroule. Il enveloppe tout, mais sans freiner. Il nous emporte en tirant sur le fil emmêlé de nos pensées. Il nous déroule. C'est la couverture qui borde les sommeils enfantins; les bras accueillants, tristes qui manquent à l'amant exilé.

Tendresse grise. Comme un grand coup d'éponge sur nos paysages trop secs, trop carrés, trop brillants. On regarde dehors, on voit le vacillement des gouttes et des formes mal découpées, un peu collantes. Comme si nos yeux pleuvaient. Comme si le coeur s'éveillait au milieu de ses rêves, et se contemplait, dormant. Dormant, c'est-à-dire ignorant. Touché par cette absence qui donne son charme à la naïveté. Touché par cette illusion qui donne son mensonge à la naïveté.

Les doigts, courant sur les touches, tantôt s'y posent, légers comme les embruns qui colorent les joues des passants le long des grèves, tantôt s'y fondent profondément, comme si dans cet embourbement du ciel, le monde refusait de se faire dur.

Le temps pourrait s'arrêter. Se suspendre un instant sur les hauteurs. Attendre. Et s'il voulait dormir? Nous nous berçerions nous-même dans son roulis hésitant et qui chantonne, ce soir, dans la bruine.

"Pleure" dit l'âme Nocturne. "Souris" rigole la jolie Polonaise. "Danse" susurre la Valseuse sombre.

Pleure, souris, danse.

Vis.

mardi 25 mars 2008

It's gonna be love


L'amour est toujours patient et désintéressé
Il n'est jamais jaloux.
L'amour n'est jamais prétentieux ni orgueilleux,
Il n'est jamais grossier ni égoïste,
Il n'est pas colérique,
Il n'est pas rancunier.
L'amour ne se réjouit pas des pêchés d'autrui mais trouve sa joie dans la vérité.
Il excuse tout,
Il croit tout,
Il espère tout et endure tout.
Voila ce qu'est
l'amour.

(A Walk to Remember)


dimanche 23 mars 2008

Scènes de la vie nocturne: Esther


Esther referma le livre et le posa sur le banc de pierre. La nuit, opaque, comme si la lueur diffuse de la lune l’engluait, rendait terne sa couverture; mais, en temps ordinaire, le volume, qu'elle trimbalait partout, flamboyait dans sa jaquette rouge où se découpaient, en lettres d'or, comme le sceau d'un Pharaon dont plus personne ne pouvait lire le nom, un titre qui la faisait rêver : Enchantements vermeils.

Elle n'avait pas résisté. Encore une fois, elle n'avait pas su. Elle avait laissé ses yeux glisser, s’enfoncer dans la matière molle des pages, sans s’accrocher au papier abîmé. Elle avait plongé dans cette aventure qui n’était pas la sienne et laissé les heures nocturnes siffler autour d’elle, sans la toucher.

Mais cela n'avait pas grande importance. Ce qui était important, c'était qu'en ce moment, quelque part dans un pays moyenâgeux, plein de preux chevaliers et de demoiselles maléfiques, William, son cher William, avait succombé à ses fantômes. Qu'il avait tué la fille de l'Ombre. Que le royaume était en péril. Que les forces magiques du vieil Enchanteur se tarissaient.
Heureusement qu'elle n'en n'était qu'à la partie II, et que par conséquent l’auteur avait, d'ici la fin du livre, bien le temps d'arranger ça.

Esther se surprenait parfois à traiter avec cynisme ce qu'elle croyait pourtant aimer le plus. A jouir de cette distance qu’elle mettait entre le monde et elle, et qui la faisait regarder avec mépris ceux qui se baignaient dans leur quotidien, leur misérable quotidien, avec tant de béatitude. Tant de naïveté. Avec cet air de contentement benoît qui refusait toute complexité, toute nuance.

Admirant le ciel étoilé, partiellement voilé par des brumes qui filaient à toute vitesse au dessus de sa tête, comme apeurées par la colère d'Eole, la gamine, peignant ses cheveux noirs, se trouvait des airs de grande personne. Elle savait tout des mécanismes qui cliquetaient, comme les engrenages multiples d’une ancienne montre, derrière les lignes imprimées que ses yeux parcouraient avidement. Qu'il suffisait qu'on fasse mourir deux ou trois personnages. Que la découverte d'un maléfice ancien ou l'aide des êtres sacrés qui peuplaient les forêts de son roman, ou encore une bataille menée par un général à la probité et au courage exemplaire suffirait pour sauver son héros, pour sauver William, pour tout remettre en ordre.
Mais en même temps qu’elle en était consciente, elle s’en émerveillait. Elle admirait ce pouvoir de la plume, ce grand jaillissement, cet envoûtement de la lecture qui était bien plus magique que tout ce que les personnages des vieux romans de fantasy qu’elle aimait pourraient jamais produire.

Esther se laissait bercer par ses pensées, fermant les yeux. Elle sentait remuer en elle comme une bête endormie mais habitée de songes profonds et terrifiants, qui soulevaient un murmure intemporel, un souffle de création; ce râle divin ferait jaillir des mondes, maintenant que tout l’espace, qui se présentait à ses yeux par ces clignotements blancs sans nombre sur le ciel noir, n’était plus qu’une immense ville, domestiquée, aux avenues soignées et nettes comme un plat de vaisselle propre. Maintenant qu’il était non plus une infinité mystérieuse qui charmait l’œil au coucher du soleil, mais le reflet de milliards d’autres êtres, inutiles, qui supportaient de vivre chaque jour en exil, sur une autre terre, sans même parfois savoir ce qu’ils supportaient. Sans savoir qu’ils souffraient. Peut être était-ce mieux ainsi.

Esther était restée sur Terre. Cette Terre qu’elle sentait encore parfois palpitante, dans ces arbres centenaires aux barbes blanches, dans ces courants d’air malicieux venus de siècles passés, dans ces silences où respirait une solitude éternelle.

Cette nuit-là était une de ces nuits où son âme d’enfant, qu’elle sentait lui échapper de plus en plus, s’accordait à son désespoir grisant, à sa nostalgie perpétuelle.
Elle se tenait assise, en tailleur, sur le banc de pierre écorché par les intempéries des ans. Ses mains d’une blancheur extrême reposaient sur ses genoux, ses doigts remuaient lentement. Elle les posa, soudain, sur la roche ridée. Elle sentit naître en elle des tempêtes où d’anciennes malédictions faisaient bouillonner la mer.

Sa voix, grave, rayée, se mêla aux chuintements du vent : « Il y a bien longtemps que cette histoire ne fut contée, mon enfant, car il est des oreilles et des yeux incapables d’entendre et de voir ce qui nous dépasse tous. Les hommes sont petits et s’agitent inlassablement. Ils ne pensent pas à mal. Mais ils ne pensent pas non plus à ce qui importe vraiment. ».

Esther ouvrit les yeux, laissant les échos de ces mots s’éteindre dans l’herbe. Malgré elle, elle convoquait à la surface de sa conscience des milliers d’histoire, réelles ou fausses, fantasmées ou entendues, qui la traversait sans avoir d’égard pour elle. Du haut de ses dix ans, son sourire, vaste comme la voûte sombre qui la surplombait, la rendait immortelle et sans âge. Un sourire où se fondaient sans distinction des merveilles et des horreurs sans nombre, éternelles par cette magie dont elles étaient illuminées.

Alors, s’abandonnant au flux qui l’envahit violemment maintenant, Esther parle à nouveau. Au fond, sur la crête des arbres, s’apprête une aurore. Si prévisible. Si semblable à celle de la veille. Si pareille à celle qui viendra bientôt tirer de leur sommeil artificiel tant de corps dans tant de lits identiques, recroquevillés sur eux-mêmes comme si seule la nuit les rendaient à leur condition véritable, en soufflant leur ignorance orgueilleuse.

Mais la nuit, rebelle, comme elle, veille encore. La litanie des mots qui sortent des lèvres d’Esther, et qui un temps s’était affaiblie, jaillit plus fort. « Et l’on raconte que ce banc de pierre, où désormais les gens reposent leur ennuis, fut autrefois, à l’aube des temps heureux, lieu de cérémonies grandioses tenues par les grandes prêtresses de l’Ordre. Ici furent invoquées les puissances qui président au présent, au passé, au futur, les êtres inconsistants qui portent en eux la vérité de toute chose et qui verront périr, uns à uns, toutes ces têtes d’hommes ».

Une bourrasque de vent fait tomber le livre à terre ; la chevelure noire, immense, de la fillette, semble battre des ailes, prête à s’envoler. Esther, brusquement, se redresse, emportée par les mots qu’elle crie maintenant debout, vers cet horizon encore sombre, qui résiste à la poussée de la lumière et de la monotonie. « Et il est temps de relever les colonnes brisées et les temps ravagés. Ravagés par l’ennui des serviteurs qui n’ont pas conservé leur foi jurée. Ravagés par l’incohérence d’êtres incapables de chercher aussi bien leur malheur que leur bonheur dans leurs errements sans nombre. Il est temps de voir renaître, dans les bois éternels, les danses de Luthien et les exploits glorieux, temps d’être la main qui brandit l’épée, temps d’être le glaive lui-même et de fourailler dans les entrailles du monde. Temps d’écouter les lamentations guerrières des cors et de rugir avec eux. Temps de se battre sans espérer, pour l’espoir ! ».

Un bruit assourdissant éclate dans ses tympans ; une lumière aveuglante troue le ciel noir, rapide comme si la planète même crachait la foudre. Sa vision se brouille. Les larmes lui coulent des yeux. Comme si le monde éclatait de l’intérieur.
Quelques secondes où tout tournoie dans un rugissement métallique. Où tout brûle dans un incendie déchaîné. Le ciel flamboie, plus clair que le soleil lui-même. Chauffé à blanc.

Immobile, Esther sent la violence de l’aurore se mêler à ce tourbillon. Elle attend, sans comprendre. Rien qu’une immense douleur qui, sans toucher à ses membres, l’étouffe de l’intérieur.

Une éternité ? Tout s’éteint.


Devant elle, l’aurore a disparu. Comme si elle n’avait pas résisté à l’assaut. A peine brille encore un liseré lumineux tout au fond. C’est l’aube blessée qui expire.
Esther sent vibrer, à son poignet droit, son récepteur. Sa peau rouge brille faiblement ; cela doit faire des heures qu’on essaie de la contacter. Elle a déconnecté son lien à l’infosphère. Mais la douceur profonde de la nuit qu’elle espérait goûter, la caresse du vent, l’oubli … tout est terminé. Tout a changé.
Le paysage, devant elle, est toujours le même. Le banc, sur lequel elle s’est raidie, est le même. Le livre, à terre, aux pages ouvertes, est le même.

Mais c’est la fin d’un monde qu’on entend pulser dans les feuilles qui pleurent. Esther est rappelée à l’appel qu’elle sent picoter dans son bras, de plus en plus pressant. Elle hésite à entendre, à reconnecter... Savoir ? Mais elle sait déjà.

Pas besoin de se résoudre : le message franchit toutes les barrières de son système perso. Il s’impose, destructeur, douloureux comme un supplice perpétuel. Il fuse dans toute son âme et résonne dans l’âme du monde.

WAR

Ce mot si court la traverse comme un frisson universel, celui d’une humanité qui se meurt. Un éclair blanc jaillit de sa silhouette, monte jusqu’au ciel gris sombre ; jaillit de chaque homme sur Terre ; sur cette galaxie ; dans l’univers. Jaillit de chaque fibre sensible qui respire dans le cosmos. Jaillit des milliards de cadavres qui, ailleurs, ne respirent déjà plus.


Et le monde hurle dans un unique cri.

samedi 22 mars 2008

Le Soleil a rendez-vous avec la Lune,...


La lune argent frémit
Plissant sa fine bouche
Quand le jour clair se couche
Et que la nuit revit

Sa tache ronde et pleine
De princesse d'albâtre
Se colore dans l'âtre
Du couchant sur la plaine

L'astre rouge agonise
Dans l'azur cristallin
S'en va jusqu'au matin
Laisser des ombres grises

La pourpre qui se voile
Ensanglante l'ouest
Le froid croissant céleste
Imprime un hâlo pâle

Quand frôlant l'horizon
Il arpente la courbe,
La lueur qui s'embourbe
Et caresse son front,

Le fier navire blond
Quitte les basses sphères
Laissant les éphémères
Poursuivre ses rayons

Se plonge dans la mare
D'encre noire des cieux
Où les étoiles bleues
Placent de petits phares

Et du plafond veillant
Les âmes endormies
La douce Lune oublie
Les rivières du temps

Les nuances diffuses
De tendre Dame Aurore
S'apprêtant à éclore
Viennent chasser l'intruse

Et le Soleil sourit
Dardant sa large face
Lorsque la nuit s'efface
Et que le jour reluit.

jeudi 20 mars 2008

Litanie contre la peur (rituel Bene Gesserit)


Je ne connaîtrais pas la peur, car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien.
Rien que moi.


Hommage à Frank Herbert
Hommage au samouraï de l'espace, aux Fremens combemaliens, au Muad'dib chef spirituel des BLs Atréides...

A réciter sans modération.


PS: il paraît qu'il ne faut jamais revenir sur ses posts (il paraît...). Mais comme on a tous les jours des occasions de devenir moins bête, ma soeur m'a fait remarquer, non sans une pointe de dédain dans la voix, que la "Litanie contre la peur" de Dune était bien plus...classe (oui, je crois que c'était le mot) en anglais.

Et en effet, c'est plus percutant.
Mes condoléances aux amis de la francophonie.


LITANY AGAINST FEAR

I must not fear.
Fear is the mind-killer.
Fear is the little-death that brings total obliteration.
I will face my fear.
I will permit it to pass over me and through me.
And when it has gone past I will turn the inner eye to see its path.
Where the fear has gone there will be nothing.
Only I will remain.

mercredi 19 mars 2008

Scènes de la vie nocturne: William


William s'avança dans le hall du palais, sortant de l'obscurité des couloirs où ne pénétrait pas la lumière des torches. Les murs de pierre avaient l'éclat glacé d'une lame qui blesse l'oeil; leur peau grisâtre et légèrement suintante s'exhibait comme un corps malade, à peine vêtu de tapisseries poussiéreuses, suspendues là comme un manteau qu'on oublie sur une patère, et qui semblaient ne savoir qu'y faire. Toute la salle résonnait de cet éclat métallique, et au toucher la roche avait la froideur de la joue d'une morte.

Trois chandelles brûlaient encore sur la table massive, sous le lustre qui frissonnait dans sa robe de cristal. Les restes d'un repas, apparemment gargantuesque, traînaient. Il y avait dans ce lieu une présence étrange, comme si les objets eux-mêmes, délaissés provisoirement, attendaient, encore plongés dans les intrigues malsaines d'une pièce pleine de trahisons, d'amours adultères et de complots, le retour des acteurs.

Le bruit d'une cape claqua. William fit volte-face. Sur le mur, le portrait du roi Maudit le scrutait, implacable. William se sentit transpercé par ce regard translucide, au bleu profond comme le poids des siècles sous lequel s'affaissait le château tout entier. Pas une ombre sous les flambeaux crépitants. Pas un bruit de botte. Pas de lame au chant grisant, sortant la fourberie de son fourreau.

Perturbé par ce silence inquisiteur, autant que par le bruit qui l'avait troublé, William accéléra le pas, longeant les murs, évitant coupes tombées à terre et fauteuils renversés. Sur sa droite, à travers les immenses fenêtres, scintillait la lune. Elle aussi était aguicheuse. Comme tous. Comme toutes. Comme ces femmes, toutes ces femmes...

Un rire étouffé. Le bruit d'une étoffe qu'on déchire, et qui crisse de plaisir. Un baiser, dont l'écho emplit la pièce entière.

William, se retournant à nouveau, distingua, au fond, non loin de la porte qu'il avait franchie en sortant de chez l'Enchanteur, deux silhouettes qui s'agitaient dans l'ombre. Les contours en étaient flous, étouffés comme les mots d'amour que les deux amants murmuraient. Une chevelure rousse, bouclée, jaillit un instant de la pénombre, frappée par un rayon lunaire qui s'était aventuré jusqu'au renfoncement derrière les tentures noires.

William se figea. Son sang s'était glacé. S'il avait tourné la tête pour voir, dans le miroir rouillé qui cuirassait la muraille, son propre visage, il n'y aurait reconnu que celui d'un petit enfant de six ans, aux joues maculées de larmes, et dont la voix s'était cassée comme une corde de guitare, tout au fond de sa gorge. Mais s'il s'était approché davantage, peut être aurait-il reconnu, dans les yeux noirs qui l'auraient fixé, la folie sourde de l'homme qui ne peut échapper à ses fantômes. Peut-être aurait-il entr'aperçu la lame que l'enfant aurait saisie à pleine main, s'y blessant en serrant trop fort le poing.

Toutes ces femmes... Cette femme... William ferma les yeux, respirant plus fort, et l'espace d'un instant, vit le Malin penché sur lui comme l'intriguant sur le corps amaigri d'un roi qui signe son testament. Son âme trembla. Les souvenirs revenaient. Toujours les mêmes... Il s'appuyait d'une main à la paroi, les yeux toujours fermés. Il se mordit les lèvres, sentit les larmes couler entre ses cils, et serra plus fort la lame entre ses doigts.

Sur le sol s'étoila une goutte de sang.


Il tremblait toujours, et pourtant il lui semblait qu'il avait été absent pendant des heures. William rouvrit les yeux. La brise soufflait, empuantie par l'odeur d'un bûcher qui finissait de se consumer, dans la ville. La nuit était d'un noir mat, qui occultait presque les piqûres des étoiles sur le ciel par son néant oppressant. Il avait, semble-t-il, marché jusqu'au jardin. Assis sur un banc de pierre rongé par le lierre, il faisait face à une ancienne fontaine, abritant désormais des plantes et des insectes là où nageaient autrefois des poissons. Parfois, sous un éclat de lune, le bras potelé d'une déesse de pierre surgissait de ce fourmillement végétal; mais l'oeuvre humaine s'était depuis longtemps incliné devant la mère nature.

William passa la main dans ses cheveux. Il avait dormi. Combien de temps? Il s'aperçut tout à coup qu'il tenait toujours son poing droit fermé. Les phalanges de ses doigts avaient blanchi sous l'effort et sous l'effet du froid.

Il ouvrit la main. Dans le sang séché de la blessure reposait le poignard, petit et fin, à la délicatesse d'un bec de héron, et acéré comme le tranchant d'une corne. Il le posa à terre, sur le sol meuble. De sa main s'échappa un rayon rouge. Comme un grain de pollen, il vit, porté par le vent, s'élever une mèche de cheveux roux, que marquait une tache sombre de sang.

lundi 17 mars 2008

Let's write tonight


Ça y est, j'ai enfin décidé de me lancer, d'écrire une "histoire", i.e. quelque chose qui ressemble plus à "incipit + intrigue + dénouement + fin" qu'un poème (ou qu'un délire métaphysique à forte tendance narcissiquo-dépressive).

Et c'est comme si, brusquement, j'étais devenu Dieu, assise devant ma feuille blanche comme lui devant sa petite terre bleue, en train de me cramponner sur mon stylo comme si ça pouvait empêcher les idées de fuser à toute vitesse dans ma tête. Ça serait drôle de raconter la genèse en abandonnant le style guindé habituel...

"Au commencement Dieu créa les cieux et la terre (...). Dieu dit : "que la lumière soit!" et la lumière fut".

On ne nous dit pas tout! A mon avis, ça a du plutôt être : "Dieu s'accouda, l'air fatigué, à sa table de travail, où les brouillons épars, les feuilles raturées, et les tasses vides où la caféine avait tracé ses cercles noirs, s'entassaient. Il pleuvait dehors. Le vent soufflait. Et tout d'un coup, il sut. Il chercha fébrilement la feuille n° 35bis, qui faisait suite à un développement très intéressant sur la généalogie des singes d'Afrique équatoriale. Ses yeux parcoururent les quelques lignes griffonnées. Un sourire parut sur son visage, détendu. Il prit sa plume, la trempa dans l'encrier et écrivit posément, sur une belle feuille blanche : "Que la lumière soit". Dehors, sous la pluie grise, s'alluma le soleil comme un lampadaire un soir d'hiver.".

C'est que ce n'est pas de tout repos d'être créateur. Personnellement, j'ai simplement commencé à réfléchir à la première scène de ma future "saga" (ben quoi? un peu d'ambition ne fait pas de mal dans la vie!), qui réunissait bien peu d'éléments (vous jugerez par vous-même quand j'aurais eu assez de temps devant moi pour supporter les méandres incontrôlables de mon cerveau en ébullition au point de parvenir à écrire le mot du début). Eh bien même en essayant de me contrôler sur l'essentiel, je me suis retrouvée à retracer toute l'histoire de la petite planète inconnue, que je n'avais pas encore baptisée, et qui allait devoir abriter les fantasmes issus de mon imagination (trop?) fertile.

Dans ces cas-là, c'est comme si j'ouvrais une porte (et je ne l'ouvre, pour cette raison, pas souvent, je sais que sinon je risque de me noyer... d'ailleurs en ce moment je n'ai pas de beau maître nageur séduisant à proximité, mais ça c'est une autre histoire), et que...

"Dieu ouvrit la fenêtre. Les gouttes de pluie séchaient sur les carreaux, laissant des traînées blanches qui brillaient comme des larmes sur une joue rose. Une douce chaleur envahit la pièce. La lumière, dorée, dansait en poussières minuscules jusqu'à l'horizon dont les contours étant encore flous, fondus dans la nuée pluvieuse qui fuyait. Des images frappaient la surface de la conscience de Dieu, comme des êtres des profondeurs luttant pour gagner le monde des vivants, pour gagner ce monde qu'il sentait naître dans son esprit. C'était irrésistible, comme une vague qui le submergeait, au point qu'il ne voyait plus l'aurore, la première de toutes ces aurores futures auxquelles il venait de permettre d'exister... par où commencer? Angoisse? Plénitude? Fébrilité?

Il regagna son bureau, en grande hâte... La plume filait. Tout y passa : les ténèbres, le jour/la nuit, les eaux/la terre, les arbres... les animaux... Et l'homme. Ce ne fut pas sans ratés, et certaines espèces, qui n'avait même pas encore eu conscience d'arriver dans le monde restreint et bienheureux des créatures terriennes, disparurent sans laisser la moindre trace, rayées de l'histoire de ce monde par un trait de plume sur un parchemin rugueux.

Le paysage dehors avait changé. Un pré verdoyant s'étendait à perte de vue, comme une immense mer herbeuse, aussi splendide que cette journée (ou cette semaine? Dieu avait perdu la notion du temps) de création, aussi vaste, aussi mystérieuse, aussi grandiose.

Dieu sortit, passa le seuil et son regard majestueux frôla l'immensité vivante qui respirait devant lui, en lui. Il sourit.

Et il vit que cela était bon."

Si Dieu lui-même éprouvait les inquiétudes et les joies hystériques de tout écrivain, ça soulagerait?


dimanche 16 mars 2008

En souvenir de E.


J'ai posé sur ta joue un ongle pâle et lisse
Ecorché ta peau claire et caressé tes lèvres
Baigné ma belle haine au fond de tes yeux verts
J'ai nourri cet amour tuant avec délice

Eloignée, j'ai épié jusqu'à l'ombre d'une ombre
J'ai fondu dans le monde en embrasant mes sens

Si intime à ton corps en ces moments d'absence
J'ai laissé là mon coeur perdu dans tes décombres

Et l'ouragan furieux tout au fond s'est fait tendre
Quand l'aube, d'un sourire en sortait immortelle
Oui, j'ai rêvé en feu à ta bouche si belle
Puis noyée de mes flots j'expirai sous les cendres

Et mon âme s'échouait sur des rivages doux
Et mon coeur vomissait ton visage abhorré
Quand il cherchait pourtant dans la cour désertée
Le fragile murmure auquel il avait goût

Je t'en supplie, va-t-en, douce folie amère
Ephémère regard laisse moi m'endormir
Accorde moi la joie de ne plus rien sentir
Ou reprend tous tes droits sur cet amour qui erre

Et dans un bref sursaut fais donc tonner ta voix
Brise songes, silences où s'échauffe mon sang
Que la main retenue à son désir présent
S'abandonne ou retombe guérie cette fois


(toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé n'est en aucun cas fortuite)

samedi 15 mars 2008

The END

* Tirer un trait




** Tourner la page





*** Faire son deuil




**** Se faire une raison



Tant d'expressions pour désigner ce qui finit. Et pour ce qui commence?

Flegme

Nouveau week-end.

Peut être un goût plus particulier.

Peut être un peu d'angoisse.
Parce qu'après tout il ne reste plus que 5 semaines.

Peut être le sentiment d'avoir mis le feu aux poudres et d'avoir paumé l'extincteur.

Mais il fait trop beau pour se stresser... Tout est trop calme dehors, on entend les oiseaux, on sent les rayons de soleil qui palpitent doucement sous les nuages grisâtres, enfumés. L'air lui-même, comme lumineux dans son flegme bleu, scintille. Un p'tit bout d'éternité, un voile qui fait bronzette.

Tout est paresseux; les arbres qui font à peine l'effort d'agiter leurs feuilles; les rues, désertes, qui s'offrent au regard dans la nudité d'une beauté endormie; les gens qui, j'imagine, lisent, discutent, marchent, moulant leurs gestes sur la lenteur et l'alanguissement du temps qui ralentit; les peluches qui prennent la poussière, stoïquement, un sourire figé au milieu de poils bruns; les livres, qui s'étalent en piles hasardeuses, qui pourraient semble-t-il s'écrouler pendant des heures, comme un film qu'on passe au ralenti, avant que le moindre volume touche la moquette; la musique qui sort de ma chaîne, les violons qui se plaignent langoureusement, les cors qui sonnent sourdement, comme fatigués.


Tout est paresseux cet après-midi.

Moi aussi.



vendredi 14 mars 2008

Petit mode d'emploi de la déprime (âmes sensibles s'abstenir)


C'est à la portée de tout le monde de déprimer.

Même ceux qui rechignent à faire des efforts peuvent, en suivant ces quelques conseils très simples, et à portée de n'importe quelle personne normalement constituée (pour les inconditionnels du sourire et les hystériques joyeux à plein temps, peut être faudra-t-il recourir à des procédés d'intimidation de la bonne humeur plus ... convaincants), parvenir à un état avancé de déprime tout à fait honorable, en un laps de temps relativement court.

La méthode "Comment déprimer en 5 leçons" propose ainsi un rapport coût/avantage sans équivalent (du moins dans ce qui se fait aujourd'hui, je ne dis pas qu'un ex-BL, profondément enrichi dans ce domaine par son expérience en prépa, ne parvienne un jour à compléter et théoriser tout ça bien mieux...). Et initie au véritable art de la déprime, à ses subtilités et à ses délices (si, si!). Quand à ceux qui sont déjà pro (oui, je sais qu'il y en a), chapeau! et louanges à ceux qui nous ont précédé dans la gloire dépressive...

Les propositions suivantes ne sont pas à considérer dans un ordre particulier, et le choix est laissé à la discrétion de l'utilisateur (qui, après tout, est le mieux placé pour savoir ce qui le rend le plus déprimé):



1) Cultiver la nostalgie

Ceci revient à s'appesantir sur son passé en prenant bien soin, non de faire rejaillir le bonheur de tel ou tel souvenir, mais de ressentir profondément le manque d'un tel bonheur, et son caractère irrémédiablement over. Le comble du raffinement revient alors, pour les perfectionnistes, à développer cette capacité d'être un "nostalgique du présent", comme je les appelle, c'est-à-dire à se trouver continuellement dans une situation où l'on regarde sa propre vie, sa vie actuelle, comme un fleuve qui coule et dont on ne peut arrêter le flot. L'effet est garanti, puisqu'on passe alors son temps à être triste d'être heureux (avec telle ou telle personne, dans tel ou tel lieu, à telle ou telle occasion), parce qu'on ne peut que penser que ce bonheur ne durera pas.

Les perfectionnistes se reconnaîtront.



2) Ecouter de la musique triste, si possible par temps grisâtre, ou temps de pluie

Le best est de choisir (et cela demande un travail non négligeable!) les chansons qui, même si vous pétez la forme et si vous pourriez éblouir le soleil tellement vous rayonnez de bonne humeur, vous foutraient le blues si vous les écoutiez à ce moment là. Croyez-moi, ce critère vaut la peine d'être retenu.

Je conseille aussi de prévoir une playlist (les adeptes de cette méthode confirmerons mes dires...) de manière que vous n'ayez pas besoin de vous arracher à vos méditations morbides et déprimantes pour changer de chanson. La continuité dans la mélodie triste à pleurer, les chansons d'amour (finissant mal en général) où la voix se brise à vous fendre l'âme, bref le pathos, le pathos, le pathos mes amis!! Ou encore, un metal un peu dark, qui aura de plus l'avantage d'être assorti à la couleur du ciel.



3) Se donner l'occasion de se dévaloriser soi-même

L'usage d'une balance, de pantalons vieux de plusieurs années (ceux qui vous avez gardé pour le jour où (le jour où...) vous aurez perdu les 5 kg qui s'accrochent violemment à vos cuisses), d'un miroir, de photos horribles (où vous étiez engoncés dans cette robe que votre mère avait absolument voulu que vous portiez...), etc... est fortement recommandé. Certains interdits doivent être pris en compte : pas de maquillage, pas de chaussures à talons, pas de gel pour la coiffure, etc... Bref, répugnez, chers patients, à employer des moyens qui auraient le tort de vous faire croire que vous pouvez camoufler ce qu'en réalité il vous faut constamment vous rappeler à vous-même : vous ne ressemblez vraiment à rien en ce moment.



4) Ecrire/lire votre déprime

Pour ceci, il convient d'abord de se constituer, au fur et à mesure des déprimes successives, un petit recueil de textes de votre propre cru (c'est souvent plus efficace car cela vous rappelle d'anciennes situations sensibles ou douloureuses plus proches du vous que les lamentations de Victor Hugo). Ceci suppose de faire l'effort de prendre un stylo, un bout de papier (quand je vous disais que c'était à votre portée), et de vider son coeur sur la page (parfois les yeux se vident de leurs larmes aussi... prévoir une boîte de mouchoirs à proximité). Attention! Ne pas tenter de mettre en forme sa déprime (éviter de chercher le mot juste pendant 10 min, par exemple), au risque d'introduire une distance entre la déprime et vous, ce qui gâcherait bien évidemment l'effet recherché. Utiliser le texte ou l'écriture pour coïncider avec votre malheur à travers la feuille blanche. C'est un peu subtile (je vous avais prévenu), mais initie aux raffinements de l'art auquel notre humble méthode tente de vous initier.

Je me permet d'offrir une illustration de mes propos par un poème de mon propre cru (assez ancien d'ailleurs), et qui s'intitule (n'est-ce pas merveilleux?) "Déprime":

Torches noires qui brûlent
Corps pourris qui empestent
Coulées glauques qui restent
Sous les pas qui reculent

Cauchemars qui accueillent
Bras macabres qui dansent
Tout résonne et l'absence
Des vivants frappe l'oeil

Rues désertes, souillées
Regards froids et sanglants
Qui balaient sur les bancs
Les cadavres glacés

Verte pluie qui crachote
Jour lugubre qui chasse
De sa lépreuse masse
Les lampes sous la flotte

Tension sourde, bruits lourds
Sur les seuils éventrés
Griffes nues, acérées
Mordent le beau velours

Eclats horribles sur
Nos rires gras qui saignent
Fantômes nus qui peignent
La mort sur tous les murs

Coeurs béants qui expirent
Joue humide qui rêve
Troncs brisés dont la sève
Colle aux rouges sourires

Aux dents blanches qui brillent
Répond l'âme innocente
Dans la blancheur dansante
Notre mort qui scintille



5) Choisir ses "amis"

Le problème, lorsqu'on souhaite parvenir à un niveau acceptable de déprime, est de ne pas se laisser consoler, surtout lorsqu'on est de naturel joyeux ou optimiste. Le mieux est alors de se confier aux personnes dont on sait qu'elles ont le moins de chance de nous apporter un quelconque réconfort. Se sentir seul au milieu des autres peut être, croyez-moi, bien plus efficace que d'être effectivement seul. Se cloîtrer chez soi favorise plutôt l'apathie que la déprime, et la présente méthode se refuse à proposer des ersatz. C'est pourquoi je vous conseille, après avoir amorcé votre avancée vers le cercle très restreint des déprimés accomplis, de compléter votre apprentissage par la sortie "dans le monde", dirons-nous, en vous assurant qu'une telle démarche ne pourra que vous convaincre plus fortement de votre déprime en la mettant en contraste avec le bien-être d'un monde qui ne vous touche plus.



Mes chers amis, cette leçon s'arrête ici. Espérons qu'elle vous aura été profitable.

Et que bien sûr vous n'aurez vu que cynisme dans toute cette histoire.

lundi 10 mars 2008

Comeback

Ça s'en va et ça revient, c'est fait de tous petits riens
Ça se chante et ça se danse et ça revient, ça se retient comme un chanson populaire...
***


Eh oui (eh oui), avec le temps, va, tout s'en va (y compris les vacances). C'est la rentrée. Peut-être un peu moins de cernes sous les yeux des gens, et encore... Au moins autant de bâillements dans les bouches! Il nous a fallu, nous, valeureux béhèles, braver aujourd'hui moult dangers pour affronter notre destin.
Jugez vous-mêmes.

Premier cauchemar : le réveil. Et encore, si c'était vraiment un cauchemar, ça voudrait au moins dire que vous rêvez encore. Ça voudrait dire que vous n'auriez pas à vous cogner le pied (le petit orteil droit, celui qui s'en prend toujours plein la gueule quand vous avez tellement du mal à ouvrir les yeux que vous confondez votre bibliothèque et la porte de la chambre...) en sortant du lit, à trébucher sur ledit réveil qui serait retombé, après avoir effectué un vol plané spectaculaire à travers la chambre, éjecté par votre force surhumaine et remarquable pour l'heure matinale, sur la moquette au milieu des chaussettes sales.

Mais bon, il semble malgré tout que ça ait sonné. Que vous ne rêviez pas. Et avec un peu de chance, que vous soyez déjà en retard.

Deuxième épreuve : quitter son pyjama. C'est encore faisable, pour peu qu'on prenne soin de prendre appui sur le dossier de sa chaise de bureau, et qu'on n'ait pas l'orgueil de prétendre être capable de faire des acrobaties gymnatesques à 6h30 du matin alors que les piles vacillantes de bouquins qui traînent sur le bureau témoignent de façon flagrante qu'on n'a pas passé la nuit à rêver seulement au prince charmant _ mais aussi à torturer des équations de maths et autres délices...

Plus dur : s'habiller. Le principe est simple : on commence par les sous-vêtements (c'est plus facile), on attrape un pantalon, un T-shirt, un pull. Rien qui ne soit à la portée du premier glandu venu ("même un demeuré avec des moufles y arriverait", dixit Commissaire Gibert). Pourtant, l'enjeu est là (eh oui...) : rien ne sert de quitter votre pyjama si c'est pour arriver fringué(e) dans une tenue si ... étonnante qu'elle pourrait finalement laisser penser que vous l'avez gardé! Certaines personnes, je le sais bien, ont l'incomparable atout de ne pas se préoccuper de ces questions bassement matérielles, ou d'avoir une grâce et une classe naturelle qui leur donne l'air de Barbie ou de Ken en tenue de soirée alors que les autres bavent encore dans leurs croissants. Pour moi, ça reste, tous les matins, le même enchaînement : j'avance en baillant, les lunettes me glissant des yeux, vers ma penderie, j'ouvre le placard, et là...

Je bug. Mes yeux balaient, dans un va-et-vient d'abord lent, puis de plus en plus agacé (sans que pour autant cela change quelque chose à la situation), la file des cintres agglutinés ("je hais les cintres", dixit Desproges) sur lesquels se balancent mes pantalons (goguenards). Au final, je finis bien par trouver quelque chose; l'opération est à recommencer avec les hauts.

Le résultat est un savant parcours de slalom qui se construit petit à petit dans ma chambre (du moins dans le peu d'espace qui n'a pas encore été envahi par des piles de livres, de Cds, des tas de pochettes et d'écharpes accrochées à tout ce qui présente de près ou de loin la moindre ressemblance avec un crochet) à coup de masses informes composées des vêtements qui ont échoué à l'examen du jour (et vraiment, oui, il n'était pas possible de mettre ce débardeur marron avec ce pantalon là si je voulais mettre ces boucles d'oreilles-ci!).

A ce rythme, on n'a pas fini, vous me direz... Une fois que toute cette petite machinerie s'est (un peu) mise en route, ça va mieux. On peut en rester là (au "mieux" qui ne correspond pas à un "meilleur" évidemment souhaitable mais souvent hors de portée de toutes nos éventuelles tentatives). Le petit déj' ressemble alors vaguement à une communion collective, silencieuse, brumeuse, où chacun barbote gentiment dans sa tasse de café et dans l'humeur morose que tout le monde prend soin d'ajouter à l'air de déprime collective qui traîne encore de la veille, ravi de voir qu'autrui a la même gueule (déprimée et blafarde) que lui.

Il arrive aussi, en ce qui me concerne, que tous ces efforts de si bon matin aient aiguisé ma langue et que je meuble seule la conversation pendant 10 minutes, à raconter des conneries, juste pour croire, ne serait-ce qu'un instant, que la journée pourrait être intéressante...

Normalement, après tout ça, votre esprit se met en veille; on branche le pilote automatique. Les pieds marchent tous seuls, évitant, avec une étrange vivacité et entièrement autonomes, les flaques d'eau et les "mange-graines".

Normalement...

Sauf quand la météo s'y met. Sauf quand Zeus, sûrement en colère devant votre manque de piété (c'est vrai, avouez-le, vous avez oublié vos trois offrandes quotidiennes au dieu Mankiw, vous avez indûment dédaigné la déesse Mimésis et êtes restés sourds aux sévères remontrances Koenig-Huyghensiennes), vous met au défi de braver le vent, la pluie, le froid, les trottoirs glissants, pour arriver en vue du clocher de cette bonne vieille église Saint Eteinne du Mont.

On aura bien mérité de "dormir" 3 heures de plus en maths. Dommage qu'il manque des coussins aux chaises de la 205.

samedi 8 mars 2008

Que serais-je sans toi?


Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante on reprend sa chanson
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne
Qu'il fait jour à midi qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne
Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes
N'est-ce pas un sanglot de la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues
Terre terre voici ses rades inconnues

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement


Musique : Jean FERRAT
Paroles : Louis ARAGON

mercredi 5 mars 2008

Dame blanche

Encore une fois, on va croire que je fais dans le déprimant... Mais pas du tout!!! Moi ça me fait plutôt penser à un pays tout blanc, plein de fantasy, de mystère, de chevaliers, de complots dynastiques et de magiciennes centenaires...
Hum... ça n'engage que moi!

(La photo représente Nenya, l'un des trois anneaux de pouvoir remis aux Elfes par Sauron, et que garda Galadriel).


Une enfant était née, rose comme l’aurore
Aux cils blancs comme un éclat sur l’onde claire
Dans ses yeux se lisait le destin de l’hiver
Qui porte chaque année ses froids baisers de mort

Une fille était née, promise au trône suprême
Gouverner les âmes, aimer la terre chaude
Qui l’avait vu naître, telle était, Aude,
La glorieuse ascension qu’il fallait que tu aimes !

Une jeune fille était née, en pleurs glacials
De n’avoir pu chasser les brumes de son cœur
Fière mélancolie, dur cristal, était-elle la sœur
Des montagnes gelées aux insensibles râles ?

Une femme était née, superbe et terrifiante
Ses regards transparents étaient plus que son sceptre
Les étranges atours de son destin céleste
C’était un froid mortel dont elle était souffrante

Une reine était née, aux longs cheveux d’argent
Sur une lune brune régnait souveraine
Et cachait à son peuple ses larmes, ses peines
Et semblait à leurs yeux un merveilleux diamant

Une mère était née, sans un sourire aux lèvres
Sans tendresse en sa voix, sans chaleur à offrir
Une enfant de l’hiver aurait encore à vivre
Solitaire, engourdie, en oubliant ses rêves

Une veille femme était née, sans éclat
Comme neige fondue, ses larmes régulières
Baignait ses rides, ces glaciers froids et sévères
Son cœur était sans haine, son cœur était sans foi

Une étoile était morte en un soupir glacé
Comme on ferme une porte sur d’anciens malheurs
Un tombeau enneigé construit sur les hauteurs
Abrita sa dépouille pour l’éternité

mardi 4 mars 2008

Divagations


Je ne sais plus ce que tu as dis, j’ai trop usé tes phrases, mes souvenirs, pour qu’encore la vie y prenne.

J’ai aimé ces images imparfaites comme le vent aime l’herbe et la rend uniforme et lisse à force de l’embrasser. J’ai tant rêvé, qu’il a fallu que ma vie soit un conte de fées, que tout soleil levant soit un clairon d’argent, pur et bref, dans l’air sombre des jours d’automne… j’ai peint les feuilles tombées à terre pour qu’elles restent frêles et timides ; j’ai refait des vies à milliers comme on tricote sans fin des mailles…
Aurait-on pu vivre derrière notre décor de théâtre ? C’est le repos des sages qui mettent à terre leurs yeux, comme des billes, et les laissent errer, perdus, quand ils touchent au vrai qui suinte de nos silhouettes.

Ô tendre vie, tu m’es offerte et je t’oublie.
C’est la caresse des jours qui passent qui me reste de toi, c’est nos fusions d’un temps, nos pressions mutuelles dont ta peau est marbrée. C’est ton corps ployé comme un chêne centenaire à l’ombre duquel j’abrite des larmes que tu ne sens pas.
Si tu sentais, partirais-tu ?
Je suis le passager clandestin, l’œillet à ton veston, la musique dans tête. Je suis sans exister. J’ai niché mes espoirs dans la courbe de tes mots. Tourne notre monde où les phrases deviennent grandes et muettes comme les neiges éternelles.

Sans un frisson tu es passé. Tu es resté.

Le ciel est bleu, trop pâle pour aller bien. Il a beau avoir le cœur bien accroché, ses lèvres, parfois trop serrées pour un baiser que l’on dédaigne, sont blanches aussi. Couronné de soleil, il domine, mais c’est un amant éconduit sur terre. Saura-t-il les prières tranquilles et mouillées de larmes sereines ?
C’est un cri, c’est un chant, c’est une célébration. C’est la joie et l’espoir qui hurlent par la bouche ouverte du monde. A-t-on pu si longtemps y être sourd ?
Sous deux mains qui se frôlent passe l’éternité, sous les doigts qui s’embrassent murmure un souffle. Sous la peau du quotidien, un mot répété, de cœur en cœur, de vie en vie.

Aime moi, même si c’est vain.

La vague passe où je divague. Qui sommes-nous dans son ombre ?
Le cosmos se tait, frivole, capricieux. La voie lactée sourit à nos exigences de sens ; elle nous berce du bruit des planètes comme on prend dans ses bras un enfant qui demande : « pourquoi ? ».

lundi 3 mars 2008

Jonathan STRANGE & Mr NORRELL by Susanna Clarke



Un bouquin que je ne peux que vous encourager à lire, même si certains ont une préférence pour les manuels indigestes d'histoire ou d'économie (faute avouée est à moitié pardonnée...!!). Il s'agit en fait d'une trilogie, publiée depuis déjà 2004 en Angleterre, et qui est sortie l'année dernière en France.

Quelques réminiscences de mes coups de coeur livresques d'avant la prépa? Peut être... Un livre de/sur la magie (vous apprendrez la différence en feuilletant ce gros bouquin noir (ou blanc ou rouge, trois éditions sont possibles!)), mais surtout, un livre élégant, qui a la classe d'un gentleman Anglais du début du XIXe siècle, la tenue sophistiquée et distinguée d'une lady de l'époque... Un livre "fantastique", si l'on veut, sans pour autant qu'on ait à souffrir le spectacle d'un bataillon de sorcières vous explosant au visage toutes les 10 pages, ni la confrontation fort déplaisante avec multitude de trolls, lutins, elfes,..., ni un voyage infernal et perpétuel à travers portes dimensionnelles, couloirs temporels, etc... Non que ces attributs typiques de la fantasy ou de la SF m'irritent (sinon je ne lirais pas ce type de livres, et je ne vous conseille pas à ceux pour lesquels c'est le cas de s'y mettre), seulement je pense que la tendance à la surenchère est un risque réel pour la fantasy moderne. Les clichés existent aussi au pays des garçons de ferme qui deviennent chevaliers, ou rois, des magiciens confrontés à un fléau maléfique qui menace le monde, et des animaux légendaires...

En clair, Jonathan Strange & Mr Norrel est un livre plein de sobriété et d'élégance, et qui sort de la masse des pseudo-peplums fantastico-aventuro-fictionnesques, sans pour autant renoncer au mystère, à une atmosphère exceptionnellement bien rendue, à un arrière plan "historique" hum... un peu pimenté (pour ceux qui apprécient que l'auteur(e) cherche à créer un monde à part entière, cohérent et sens artificialité (pensons au Silmarillion par exemple), voir l'usage particulièrement intéressant fait des notes en bas de pages => des mythes, des histoires, des légendes qui se superposent au récit principal pour lui donner une profondeur sensible, sans tomber dans la juxtaposition). Je vous avoue ne pas avoir encore achevé cet ouvrage (presque 850 pages, ça se mérite! (les trois volumes de la trilogie sont réunis en un seul dans la version française)), mais être déjà convaincue au point que vous ayez à subir cet éloge...
Ca faisait en tous cas bien (trop) longtemps que je ne m'étais pas sentie tellement accrochée par un bouquin!


Quelques avant-goûts, pour ceux se sentent l'âme d'un(e) magicien(ne) en herbe :

1806: dans une Angleterre usée par les guerres napoléoniennes, un magicien à la mode ancienne, un certain Mr Norrel, offre ses services pour empêcher l'avance de la flotte française. En quelques tours, il redonne l'avantage aux Anglais. Norrell devient la coqueluche du pays.
Voguant sur sa gloire, il fait la connaissance d'un jeune et brillant magicien qu'il prend sous son aile, Jonathan Strange. Ensemble, les deux hommes vont éblouir l'Angleterre par leurs prouesses. Jusqu'à ce que l'audacieux Strange, attiré par les aspects les plus sombres de la magie, provoque la colère de Mr Norrell.
L'association tourne à la rivalité, causant bientôt des ravages insoupçonnables...


Volume I : Mr Norrell
Il ne parlait presque jamais magie et, quand il s'y risquait, c'était comme une leçon d'histoire et personne ne pouvait supporter de l'écouter.

Volume II : Jonathan Strange
"Un magicien peut-il tuer un homme avec sa magie?" demanda Lord Wellington à Strange.
Strange fronça le sourcil. La question ne lui plaisait guère. "J'imagine qu'un magicien le pourrait, reconnut-il, un gentleman jamais."

Volume III: John Uskglass
"Mr Norrel de Hanover-Square soutient que tout ce qui venait de John Uskglass devait être chassé de la magie moderne, comme on chasserait les mites et la poussière d'une vielle redingote. Que croit-il qu'il lui resterait? Si vous vous débarrassez de John Uskglass, vous n'étreindrez plus que du vide."
Jonathan Strange, prologue de L'Histoire et la Pratique de la magie anglaise, John Murray éditeur, Londres, 1816.


Si nos amours d'antan se sont barrées

(pas la peine de chercher des alexandrins à tous les vers, vous vous emmêleriez les pieds (sans jeu de mots!!). Honneur au vers libre, pour une fois...).


Si nos amours d’antan se sont barrées
Que reste-t-il, dis moi, des heures passées ?


Nous étions gais et beaux, nous avions le cœur en fête
Et nos sourires noyaient le monde dans un baiser.
C’était la moire d’un soir doré sous nos fenêtres
Comme la main des dieux sur nos bonnes fées.

Nos rires avaient la couleur d’une onde qui fuit
Douce et vive, sous les brumes et les tristesses.
Sur nos peaux se mêlaient les parfums de ces nuits
Folles et brûlantes, aux foules en liesse.

Nous étions jeunes et confiants, sans crainte au cœur,
Aimant chaque jour pour les heures qu’il nous donnait.
Nous avions l’insouciance des saules pleureurs
Battus par les vents mais qui toujours pleuraient.

Qui aurait pu tarir ces rêves et cet amour ?
C’était folie que d’être triste autour de nous.
Les cours de nos destins mêlés au point du jour
Formaient notre harmonie dans l’harmonie du tout.


Si nos amours d’antan se sont barrées
Que reste-t-il, dis moi, des heures passées ?


Est-ce nos lèvres qui un temps se sont fait froides ?
Tes yeux avaient toujours le délavé d’un ciel pâli
Et la tendresse du blanc des voiles sur la rade.
Tes doigts étaient toujours les mots doux de ma vie.

Nous étions gais et beaux, je le savais.
Tu le savais, j’en étais sûre ; c’est la lumière
De ta peau d’or sous les couchants qui le disait,
Le parfum mâle de ta peau sous les draps clairs.

A tes regards je me donnais et tu aimais mes yeux;
Les cordes de la lyre qui chantait notre couple
Vibraient, éphémères, aux promesses que nous deux
Formions, comme deux âmes s’accouplent.

Etait-ce la joie qui rendait tes doigts tremblants ?
Nos rires avaient la couleur d’une onde qui fuit
Faillait-il que tes mains me fuient autant ?
Que mes regards se détournent d’un corps ami ?


Si nos amours d’antan se sont barrées
Que reste-t-il, dis moi, des heures passées ?


Nous étions la jeunesse et la passion pure
Et nous avions la fougue des amants qui s’étreignent,
Pourtant les jours d’amour dont brillait notre azur
S’étiraient, vacillants, comme les flammes qui s’éteignent.

Un jour comme au réveil nos cœurs se sont fermés;
Tu as repris ta main et j’ai repris la mienne.
Nous sommes restés là, ensemble et séparés
(La lune et le soleil s’ignorent bien sans haine).

Le temps a fui, délaissé par les rêves d’hier,
Il a coulé, grisâtre sous l’éclairage des ans,
Flot impotent qui traîne sans colère.
Nous étions tristes et sombres comme un dernier printemps.

L’âge, grand architecte, a tout aplani
Et ses caresses sèches ont rouillé nos miroirs.
Nous fûmes vieux, méfiants, las de nos pauvres vies
Et des mensonges creux qui fuyaient vers le soir.


Si nos amours d’antan se sont barrées…

On meurt pas forcément dans son lit!

Ca, c'est parce qu'il faut bien réviser les classiques... (et parce que je ne peux pas m'en empêcher!). Je prie pour ceux qui sont dans l'ignorance et recommande (comme bon remède contre toutes sortes de désagréments, le plus répandu ces temps-ci étant une certaine tendance obsessionnelle au fichage excessif, due sans doute à la perspective proche du c*******) un visionnage assidu et attentif de nos Tontons Flingueurs.


  • Antoine de la Foy
    Vous parlez de rêver, rêvez vous en couleur ? Antoine de la Foy, le plus respectueux, le plus ancien, le plus fidèle ami de Patricia. Je vous connais monsieur et je vous admire. Patricia vous évoque vous cite vous vante en toute occasion, vous êtes le gaucho, le santor des pampas, l'oncle légendaire ...

    Mr Fernand
    Et moi, elle ne m'a jamais parlé de vous.

    Antoine de la Foy
    Elle n'a pas eu le temps, ça ne fait rien, je ferais donc mon panégyrique moi-même, c'est parfois assez édifiant et souvent assez drôle, car il m'arrive de m'attribuer des mots qui sont en général d'Alphonse Halley et des aventures puisées dans la vie des hommes illustres.

    Mr Fernand
    Il est toujours comme ça ?

    Patricia
    Absolument pas ! C'est son côté agaçant, il faut qu'il parle ; en vérité c'est un timide. Je suis sûre que vous serez séduit quand vous le connaîtrez mieux.

    Mr Fernand
    Parce qu'en plus, Mr séduit.

    Antoine de la Foy
    Je ne séduit pas : j'envoûte ... Let me do it Jean (en parlant du Whisky).

    Jean
    Thank you sir.

    Antoine de la Foy
    Pour en revenir à vos rêves en couleur, savez vous que Borowski les attribuent au phosphore qui est contenu dans le poisson ? Moi je préfère m'en tenir à Freud, c'est plus rigolo. Qu'est ce que vous en pensez ?

    Mr Fernand
    Rien. Je ne rêve pas en couleur je ne rêve pas en noir, je ne rêve pas du tout. Je n'ai pas le temps.

(...)



  • Antoine de la Foy
    Ah j'aime ça, la thèse est osée mais comme toutes le thèses parfaitement défendable. Mais nous allons si vous le voulez bien discuter de la musique par rapport au local de l'élixir et du flacon, du contenu et du contenant.


    Mr Fernand
    Patricia, mon petit, je ne voudrais pas te paraître vieux jeu ni encore moins grossier, l'homme de la pampa, parfois rude reste toujours courtois, mais la vérité m'oblige à te le dire : ton Antoine commence à me les briser menu !

(...)


  • Raoul Wolfoni
    Mais y connaît pas Raoul ce mec ? Y va avoir un réveil pénible, j'ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter que le sang coule, mais maintenant c'est fini, j'vais le travailler en férocité, l'faire marcher à coup de lattes, à ma pogne j'veux le voir ! Et vous verrez qu'il demandera pardon et au garde à vous ...

République Dominicaine


Il paraît que c'est dur d'être drôle quand on essaie de l'être (il paraît...).

De retour de Republic Dominicana, j'ai encore du sable plein mes valises et le salé de la mer sur la langue (même si les 8 heures d'avion (sans compter les deux heures d'attente au guichet d'enregistrement et le poireautage dans l'aéroport, après avoir passé les douanes) ont constitué un intervalle de temps non négligeable pour assurer la transition entre un soleil brûlant sur une mer vert opale et la grisaille et la bonne humeur (!) parisiennes).

Que reste-t-il de cette semaine qui me semble avoir été si courte, mais qui fait remonter à des années lumières les jours de ce *** CB et la sensation même de se tenir crispée sur un stylo pour noircir des pages et des pages...? Hum, à court terme, la tête dans le brouillard, légère indigestion (sans aucune surprise à vrai dire... je crois qu'on n'imagine pas toujours ce qu'on est capable d'avaler!), mal à la tête et aux oreilles. Rien de quoi faire envie. Alors un beau ciel bleu et du soleil? C'est une description bien trop banale, même si c'est vrai... Un moment d'oubli sous une chaleur aveuglante; une mer agitée, dont l'horizon, comme tracé à la serpe, blesse le ciel pâli; les palmiers qui soupirent dans le vent; les (rares) nuages qui rigolent, tout blancs...

Bien sûr, c'est sans oublier les gens. Désolé de gâcher le panorama, pas de vahinées à la peau satinée sous des guirlandes de fleurs. Pas de prince charmant au sourire tropical (...?), à l'accent chantant comme les rythmes du merengue (pour ça, faites moi confiance, si je suis en vacances mon radar ne l'est pas). Non, plutôt (il faut bien employer le mot et appeler un chat un chat) des gros (ah mais j'accepte des acceptions très variées du terme!!): de toutes les formes, de toutes les couleurs (avec, sans aucun doute, une nette préférence pour le rouge vif voire le cramoisi). N'empêche, chapeau! c'est que ça se travaille, d'être un rosbif... il faut tenir plusieurs heures à griller sur le mm côté en parvenant soit à continuer à lire (malgré la sueur qui vous coule dans les yeux et le début de torticolis qui vous guette), soit à rester allongé, comme une endive, sans rien faire (et surtout, surtout, sans se répéter : "ça y est... ça y est, là! je craaaaaaaaaaame!!"). Bref, tout un art.

Dans la famille cocktails, j'ai demandé :
1. le cocoloco arrive en tête, sans aucun suspens... => noix de coco, rhum blanc, sirop de sucre, citron verre, tout ça avec de la glace pilée.
2. la pino colada (un classique, on ne s'en lasse pas) => rhum blanc, brun, jus d'ananas et de coco.
3. pour les amateurs de sensations fortes (personnellement je n'ai pas trop accroché) : le caipirinha (principalement du rhum + citron vert + sucre).
4. puis suit toute une foule de variantes : batida de coco (sans rhum), blue coral, cuba libre...
Passée notre petite minute dégustation , je vous épargne l'inventaire des cigares!!!

Si l'on retient de tout ceci que j'ai passé une semaine à glander, fort bien, ce sera on ne peut plus juste (bien qu'un tout petit peu réducteur nan?). Les grands espaces sont propices à l'inspiration; à l'ombre des palmiers les mots coulent plus aisément sur la feuille...

"Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté."

PS : un petit lien pour ceux qui n'en auraient pas assez... http://picasaweb.google.fr/Niniellesther